
Le remake de l’Europe IV : la responsabilitĂ©
Aujourd’hui, tout le personnel des institutions de l’Union europĂ©enne bĂ©nĂ©ficie d’une immunitĂ© qui ne peut ĂȘtre levĂ©e que par l’institution correspondante.
Et si l’immunitĂ© du personnel politique, des commissaires et des dĂ©putĂ©s a une certaine logique, l’immunitĂ© des fonctionnaires est illogique et discriminatoire Ă l’Ă©gard de leurs collĂšgues des Ătats membres. En effet, pourquoi un chef d’unitĂ© de la Commission qui distribue des fonds europĂ©ens essentiellement Ă volontĂ© (https://www.neweurope.eu/article/the-remake-of-europe-iii-anatomy-of-the-loot/), ce qui signifie qu’il a le pouvoir absolu de les donner Ă ses amis, avec tous les avantages secondaires que cela peut impliquer, sans ĂȘtre dans la juridiction d’une quelconque autoritĂ© de poursuite et que son collĂšgue dans un Ătat membre peut ĂȘtre le « client » d’un quelconque procureur pour avoir mal gĂ©rĂ© quelques milliers d’euros ?
C’est injuste, inĂ©quitable et discriminatoire. Non pas que les fonctionnaires doivent rendre des comptes Ă la justice, mais les fonctionnaires du bloc doivent Ă©galement rendre des comptes.
En outre, sous l’excuse de la protection des donnĂ©es personnelles, les citoyens ne savent pas comment cet argent est dĂ©pensĂ©, par qui ou Ă qui il est donnĂ© et pourquoi.
Cette situation est inacceptable et gĂ©nĂšre des vagues d’euroscepticisme parmi les fonctionnaires des Ătats membres.
Le pouvoir discrĂ©tionnaire de la Commission europĂ©enne remonte Ă l’invention gĂ©niale, pour son temps, de la raison d’Ă©tat par le cardinal Armand Jean du Plessis, duc de Richelieu, il y a quatre siĂšcles, au XVIIe siĂšcle.
Il y a quelques annĂ©es, le chef d’un Ătat membre de l’UE a critiquĂ© un de ses ministres pour avoir acceptĂ© un pot-de-vin important en signant un contrat pour certains achats publics. Il a dit : « J’accepterais de lui faire un petit cadeau pour un si gros contrat, mais autant d’argent… » Cependant, lorsque j’ai demandĂ© au corrompu (comme l’employeur, l’employĂ©) de commenter, il a rĂ©pondu en souriant : « Alors vous croyez vraiment que j’aurais pris tout cet argent par moi-mĂȘme et que je ne serais pas en prison maintenant ? Tout le monde a eu sa part, y compris les gardes de nuit de mon ministĂšre qui ont reçu 300 dollars chacun ». Dans cet Ătat membre, Ă l’Ă©poque, ils vivaient les « grands jours » de la socialisation de tout, y compris la « socialisation des pots-de-vin ».
Ă Bruxelles, les pots-de-vin n’ont pas encore Ă©tĂ© socialisĂ©s, et Ă ma connaissance.
La cupiditĂ© est un pĂ©chĂ© humain et quand on parle de pĂ©chĂ©s, tous les humains se comportent de la mĂȘme maniĂšre. Ceci est dĂ©crit avec Ă©loquence dans le deuxiĂšme livre de Platon RĂ©publique Dans la lĂ©gende de l’anneau de GygĂšs, un berger qui, en nourrissant ses moutons aprĂšs un tremblement de terre, dĂ©couvre une grotte qui s’est ouverte et oĂč il a trouvĂ© un mort affalĂ© sur un cheval et portant une bague en or. Inconnu des autres, Gyges a pris la bague et a dĂ©couvert qu’elle lui donnait le pouvoir de devenir invisible en la tournant Ă son doigt. AprĂšs cela, GygĂšs est devenu invisible, s’est rendu au palais du roi, a tuĂ© le roi, a violĂ© la reine et est devenu roi lui-mĂȘme. La morale est que les gens font ce qu’ils font soit par plaisir, soit par peur.
Pourquoi les fonctionnaires de la Commission devraient-ils ĂȘtre diffĂ©rents de tous les autres, avec les pouvoirs discrĂ©tionnaires dont ils disposent, ce qui les rend « invisibles » en toute sĂ©curitĂ© ? Ils ne devraient pas. Tous les humains, sont comme GygĂšs.
Une autre facette erronĂ©e du dysfonctionnement de l’administration est que si les dĂ©putĂ©s ont le droit lĂ©gitime de poser des questions Ă toutes les institutions europĂ©ennes, les mĂ©dias n’ont le droit de poser des questions qu’aux services de presse des diffĂ©rentes institutions. Dans la plupart des cas, les rĂ©ponses sont soit vagues soit trompeuses et rien ne peut ĂȘtre fait Ă ce sujet car toutes les institutions sont hermĂ©tiquement fermĂ©es, introverties et le code de l’omertĂ est d’une valeur pĂ©renne pour tous.
C’est un manque de responsabilitĂ© et une insulte Ă notre civilisation juridique. Elle doit changer car elle est l’un des Ă©lĂ©ments qui contribuent Ă la dĂ©gradation accĂ©lĂ©rĂ©e du bloc.
Voici quelques idĂ©es que les deux prĂ©sidents – Ursula von der Leyen et David Sassoli – peuvent envisager :
1) Tout le personnel du bloc doit ĂȘtre responsable devant le Parlement europĂ©en, pratiquement pas thĂ©oriquement ;
2) Le personnel politique doit bĂ©nĂ©ficier de l’immunitĂ©, qui ne peut ĂȘtre levĂ©e qu’Ă la majoritĂ© au Parlement europĂ©en, et Ă la demande de toute autoritĂ© de poursuite ;
3) L’immunitĂ© des fonctionnaires, quels que soient leur grade et leur fonction, doit ĂȘtre abolie immĂ©diatement ;
4) Tous les fonctionnaires de grade AD de toutes les institutions europĂ©ennes, quel que soit leur poste, depuis le dĂ©but de leur carriĂšre jusqu’Ă cinq ans aprĂšs leur dĂ©part Ă la retraite, doivent publier sur Internet une dĂ©claration annuelle de leurs intĂ©rĂȘts financiers pour eux-mĂȘmes et pour chaque membre de leur famille de premier grade.
En outre, tous les membres du Parlement et de la Commission europĂ©enne, mĂȘme si la plupart d’entre eux ne participent pas Ă la distribution des fonds budgĂ©taires, devraient Ă©galement dĂ©poser la mĂȘme dĂ©claration annuelle de leurs intĂ©rĂȘts financiers. Comment est-il possible qu’un chef d’unitĂ© de la Commission qui n’a pas de comptes Ă rendre et qui a le pouvoir de donner des contrats Ă des amis ne soit pas tenu de le faire ? En outre, toutes ces informations doivent ĂȘtre vĂ©rifiĂ©es par l’OLAF.
Le rétablissement de la responsabilité des fonctionnaires est, rétroactivement, le problÚme le plus grave.
Les « pouvoirs discrĂ©tionnaires » de la Commission europĂ©enne et, par la suite, de la raison d’Ă©tat doit ĂȘtre abolie et oubliĂ©e. La loi est la loi et elle s’applique Ă tous, indistinctement et sans discrimination.
Il est également primordial, pour le bon fonctionnement de notre démocratie, que les fonctionnaires répondent directement aux questions parlementaires et aux questions de la presse.
à cet effet, le Parlement européen doit introduire des rÚgles strictes en la matiÚre et établir un comité tournant qui sera chargé de garantir que toutes les réponses qui sont données au Parlement, aux médias et aux citoyens sont précises, non vagues, et non désorientantes ou désinformatives.
Le mĂȘme comitĂ© sera chargĂ© de contrĂŽler la bonne application des rĂšglements (CE) 1049/2001 (accĂšs aux documents) et 45/2001 (accĂšs aux donnĂ©es Ă caractĂšre personnel). En cas de violation des rĂšgles, les fonctionnaires responsables seront licenciĂ©s sans possibilitĂ© de recours et l’affaire sera finalement renvoyĂ©e au procureur.
A suivre…
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